La restauration à table : un modèle remis en cause par la crise sanitaire
Au cours de la décennie passée et particulièrement depuis la pandémie, le secteur de la restauration commerciale en France a fait l’objet de mutations fortes : progression des chaînes au détriment des indépendants ; essor de la restauration rapide et de nouveaux concepts venant concurrencer la restauration traditionnelle avec service à table (comme les dark kitchens) ; accélération de la livraison à domicile, venant effacer les frontières historiques avec la consommation hors foyer.
Boom de la livraison à domicile : la nécessaire hybridation des modèles
L’essor de la consommation à domicile est la tendance de fond qui aura le plus accéléré durant la pandémie. Sur la décennie passée, la consommation sur place n’a quasiment pas progressé (+0,2% par an entre 2010 et 2019) et a même perdu 10 points de part de marché sur la dernière année. La croissance du marché a été captée en quasi-totalité par la livraison à domicile, en croissance de +15,3% sur la dernière décennie, dont près de 80% est aujourd’hui servi par les plateformes de livraison.
Cette nouvelle segmentation du marché, entre consommation au restaurant et à domicile, brouille les frontières historiques entre les différents types d’acteurs présents sur le marché alimentaire (restaurants, supermarchés, traiteurs, etc.). Un phénomène d'hybridation des modèles s'opère, car de plus en plus de restaurateurs se positionnent à la fois sur le marché de la restauration, de la livraison de repas à domicile et de la cuisine à domicile via des corners épicerie, et certaines applications de livraison proposent désormais à la fois la livraison de courses et de repas.
Dès lors, il devient clé pour les restaurateurs français de proposer une expérience différenciante face à la consommation à domicile, en incitant les clients à se déplacer pour consommer leur repas en salle.
L’apparition d’un nombre croissant d'outils innovants pour garantir la rentabilité
Dans un contexte de faible rentabilité auquel est venue s’ajouter la crise sanitaire, s’appuyer sur les bons outils pour sécuriser et optimiser son activité est devenu un enjeu primordial : plateformes de livraison afin d’optimiser ses coûts fixes, de réservation pour améliorer le remplissage des salles, ou encore QR code permettant de consulter le menu et de régler la note à table. Néanmoins, les capacités d’investissement des restaurateurs n’étant pas illimitées, la plupart de ces nouvelles solutions visant à digitaliser chaque étape du parcours client restent encore peu adoptées.
Les solutions digitales créatrices de valeur pour les restaurants
Si le premier critère de choix du restaurant par le client reste la proximité et donc l’emplacement physique, celui-ci se voit désormais complété par l’emplacement digital (Google Maps, site internet, réseaux sociaux, etc.). La visibilité en ligne est un impondérable pour être visible auprès de clients qui sont désormais 90% à débuter leurs recherches de restaurants sur Internet. L’acceptation des titres-restaurant, quant à elle, constitue le premier critère de choix du restaurant pour leurs détenteurs (7% de la population active), et dispose d'un impact significatif sur la fréquence à laquelle ils vont au restaurant, ainsi que la valeur moyenne du repas.
Digitaliser et conserver le savoir-faire métier, deux enjeux de taille
Si la restauration française est au seuil de sa révolution digitale, elle reste avant tout un artisanat et une expérience sociale au cœur du patrimoine culturel français. L’étude préconise aux restaurateurs français d’utiliser l’ensemble des outils à leur disposition pour pérenniser leur activité, plutôt que de se tourner massivement vers une dématérialisation et standardisation de leur offre. En effet, certains outils tels que les plateformes de réservation et de livraison sont à utiliser avec modération, sous-peine de dégrader la qualité de l’expérience en salle et la rentabilité.
"A la sortie des restrictions sanitaires, aller au restaurant et prendre le temps de savourer un repas hors de chez soi est presque devenu pour les consommateurs un acte militant, une façon d’affirmer son attachement au patrimoine culturel français et à un art de vivre dont ils ont été privés pendant de longs mois. Face à leurs problématiques de rentabilité, les restaurateurs doivent associer l’ensemble des outils numériques disponibles, tout en veillant à garder leur autonomie. Du digital, oui, mais avec modération." déclare Sébastien Manceau, partner chez Roland Berger.