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L'aéroport de Genève prend ses responsabilités dans la transition écologique de l'aviation

L'aéroport de Genève prend ses responsabilités dans la transition écologique de l'aviation

30 mai 2023

Dans le cadre de ses études et projets sur l’environnement dans l’écosystème de l’aviation, Roland Berger mène une série d’entretiens avec les femmes et les hommes qui construisent l’avenir durable du secteur de l'aviation et de l'aéroportuaire.

Nous avons cette fois-ci échangé avec un expert en développement durable, PDG de l’Aéroport de Genève depuis 2016, le deuxième plus grand aéroport de Suisse.

(Entretien réalisé en juillet 2022)

Portrait of André Schneider

André Schneider

PDG de l’Aéroport de Genève

Qui êtes-vous et quel est votre parcours ?

Je m’appelle André Schneider, je suis d’origine suisse allemande. Je suis titulaire d’un doctorat en informatique. J’ai notamment monté un cabinet de conseil chez IBM. J’ai aussi participé au World Economic Forum en tant que directeur général et COO. J’ai ensuite créé mon propre cabinet de conseil sur le développement durable, avant de rejoindre l’EPFL en tant que vice-président. Je suis PDG de l’Aéroport de Genève depuis 2016.

Quelle est votre vision de l’aviation et du développement durable dans l’aviation en 2050 ?

Nous vivons dans un monde globalisé, donc le voyage aérien n'est pas près de se tarir. Il est donc essentiel de travailler à sa durabilité. Les aéroports sont en pointe sur ce sujet : ils devraient même atteindre la neutralité carbone bien avant les années 2050.

Il faut par ailleurs maintenir nos fondamentaux économiques. Or, si nous ne sommes pas crédibles et ne montrons pas de résultats concrets en ce qui concerne le zéro net, nous risquons de subir à la fois une pression du public et une pression règlementaire qui risqueraient de freiner la croissance du secteur.

Notre secteur doit également s'attaquer à un problème récurrent qui est celui des nuisances sonores. Même s’il n'existe pas de solution simple, il est indispensable de progresser sur ce front.

Quels sont les risques liés à l’absence de décarbonation ?

Si nous ne nous engageons pas pleinement dans la décarbonation, notre industrie risque d’être perçue comme étant à la traine en matière de transition écologique par rapport aux autres secteurs. Cela pourrait entrainer le retrait d'investissements, qui seraient alors alloués à d’autres modes de transport. Malgré certaines croyances bien ancrées aussi bien du côté des politiques que de la population, l’aviation représente moins de 5% des émissions mondiales. Le transport automobile ou le chauffage/climatisation des bâtiments dépassent largement ces niveaux - mais l’aviation est une cible facile. Ceci doit nous pousser à poursuivre nos efforts pour délivrer des résultats concrets.

Quel est le rôle des aéroports sur la voie de l'aviation neutre en carbone ?

Les aéroports ont un double rôle :

Tout d’abord, ils doivent s’atteler à réduire leurs propres émissions. Cela implique de mettre fin à l’utilisation d’énergies fossiles pour le chauffage et la climatisation, de procéder à l’électrification de leur flotte de véhicules et d’adopter l’achat d’énergies renouvelables. Certains aéroports, comme celui de Genève, ont également installé des panneaux solaires pour générer leur propre électricité décarbonée.

Ensuite, les aéroports doivent fournir l'infrastructure nécessaire pour aider les passagers et leurs partenaires à réduire leurs émissions. Cela nécessite de faciliter le changement en fournissant des informations, un soutien matériel et des incitations financières.

Il est important de souligner que le rôle des aéroports dans le développement durable ne se limite pas à ces aspects. Ils doivent également prendre en compte d’autres facteurs environnementaux, tels que le bruit, la santé et la pollution.

Comment inciter les aéroports à aller au-delà de leurs propres émissions (Scope 1 et 2) et à aider leurs partenaires à réduire leurs émissions (Scope 3) ?

Le secteur aérien dans son ensemble doit prendre conscience du défi climatique auquel il est confronté, et les aéroports ont un intérêt direct à promouvoir la réduction des émissions dans l’aviation.

Cependant, pour progresser sur la voie de la durabilité, il faut adopter un changement d’état d’esprit. Cela passe par une action au niveau de l'écosystème.

Pour réaliser ces changements, il est essentiel que tous les acteurs de l’industrie collaborent, partagent leurs expériences et mettent en œuvre des actions qui nécessitent une coordination entre de nombreux intervenants.

Quels leviers déployez-vous pour réduire les émissions de scope 3 ?

Nous mettons en place plusieurs leviers pour réduire les émissions de scope 3 : nous soutenons la réduction des APU en fournissant de l’électricité au sol et du courant alternatif. De plus, nous encourageons les compagnies aériennes à n'utiliser qu'un moteur lorsqu’elles se déplacent au sol.

Nous faisons toutefois face a certaines contraintes pratiques lorsqu’il s’agit de déployer des solutions de roulage électrique. Étant donné que notre temps de trajet moyen entre les portes et les pistes est d'environ 15 minutes, ce laps de temps correspond à peu près au temps de chauffe nécessaire pour les moteurs et il est difficile de le limiter.

Par ailleurs, nous apportons un soutien financier à nos partenaires sur le terrain afin de les aider à assumer les coûts supplémentaires associés à l'adoption de nouveaux équipements électriques pour les services au sol.

Enfin, nous proposons des incitations financières aux compagnies aériennes pour les encourager à déployer des avions de dernière génération, qui permettent de réduire d'environ -20% les émissions de CO2 et jusqu'à -40% les nuisances sonores.

Quels sont les autres leviers écologiques que vous adressez ?

Outre les aspects environnementaux, nous accordons une grande importance aux piliers social et gouvernance dans nos initiatives de durabilité. En tant qu’entité étatique, nous sommes soumis à un examen minutieux de la part du public, ce qui renforce notre engagement envers la transparence.

Nous attachons une grande importance aux relations avec nos employés, les syndicats et nos partenaires commerciaux et nous nous efforçons de concilier efficacité économique et critères sociaux.

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