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Quelle Europe de l'IA?

Quelle Europe de l'IA?

7 octobre 2018

Mais où en est l'IA en Europe? Quelles sont ses caractéristiques, ses forces et ses points de faiblesse ? Qui sont les pays leaders? Existe-t-il un modèle gagnant ?

Nous le savons tous, la bataille pour le leadership de l'IA a commencé. Désormais, il est temps que l'Europe connaisse ses atouts et sache en tirer parti.

Roland Berger et France Digitale ont uni leurs forces pour réaliser la première cartographie des écosystèmes européens d'intelligence artificielle. Il en ressort une conviction forte: l'IA est une opportunité pour les générations futures en Europe, mais ceci à condition qu'elle soit correctement mise en œuvre et intégrée dans une stratégie globale européenne.

Cette première édition de cette cartographie pose les bases de ce qui sera à l'avenir un outil de référence et d'observation de l'écosystème européen de l’IA. C'est une source idéale pour identifier les force et les failles et renforcer la position de l’Europe pour créer un vrai leadership dans ce domaine.

J'ai eu le plaisir de présenter les conclusions de cette étude aux côtés de Damien Gromierlors de la deuxième journée de la conférence FranceisAI 2018.

Pour remporter la bataille, il est essentiel de mieux comprendre la situation de l’intelligence artificielle en Europe. Si les startups jouent un rôle essentiel dans le développement de l'IA, rien n'est possible sans les laboratoires de recherche et toutes les communautés, des groupes informels aux conférences et associations, qui installent l'IA à l'agenda européen*. Nous avons cherché à comprendre la réalité de ces 3 natures d'entités dans 30 pays européens, à la fois en volume (# de start-ups, de lab ou de communautés) et mais aussi en densité pour mieux comprendre l'intensité de l'activité dans chacun des pays.

Avec cette approche, nous avons identifié trois profils de pays européens. Quand la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Espagne sont les leaders incontestés et contribuent à hauteur de 60% à l'écosystème européen en matière d'intelligence artificielle, d'autres pays prennent leur envol. Nous les avons appelés les étoiles montantes. Ce sont principalement des pays nordiques et baltes - 12 pays- qui exercent une influence croissante sur l'IA, grâce à leur écosystème très dense et une activité de recherche, souvent pilotée sur des fonds privés, intense. Les 14 autres pays ou "suiveurs" restent malheureusement plus à la traîne.

Comment le succès des pays leaders s'explique-t-il ? En réalité, ils ont su identifier le potentiel de secteurs clés de l'intelligence artificielle tels que la technologie, les services financiers, le divertissement, les médias, la culture, la santé et la biotechnologie. En d’autres termes, ils ont développé et imposé un modèle industriel d’IA qui s'est ensuite reproduit dans les autres pays du continent.

L’Europe possède un puissant écosystème d’IA, riche en ressources, mais le paysage est pour l'heure beaucoup trop fragmenté. Dans ces conditions, l'Europe n'est pas en mesure de rivaliser avec les États-Unis et la Chine. La stratégie européenne a été initiée en avril 2018 et bénéficie d'un financement de 1,5 milliard d'euros. Mais le budget de l'UE pour promouvoir et favoriser le développement de l'IA est relativement faible comparés à ceux consentis par les États-Unis ou la Chine, où les gouvernements ont annoncé des budgets à 10 chiffres pour remporter la course à l'IA.

L'écosystème européen actuel de l'IA reste une somme d'écosystèmes nationaux isolés et dominés par une poignée d'acteurs de premier plan. Pour créer un écosystème européen plus global, doté d'une voix forte et commune, un changement s'impose. Cinq leviers nous semblent critiques pour y arriver :

1. Une politique proactive en matière d'open data afin d'accéder aux volumes importants de données dont dispose le secteur public. Pour ce faire, il faut supprimer les réglementations trop contraignantes, telles que les restrictions d'exploration de texte et de données inscrites dans la révision de la directive sur le droit d'auteur (Copyright Directive). Le texte sur la libre circulation des données (The Free Flow of Data regulation) est un modèle à suivre à cet égard.

2. Un cadre juridique et réglementaire commun et clair pour les scientifiques.

3. Une mutualisation des investissements pour atteindre une masse critique.

4. Une meilleure spécialisation de nos investissements pour créer des pôles d'expertise et renforcer notre unicité et notre identité européenne.

5. Une meilleure rétention de nos talents techniques et scientifiques.

L'Europe a toutes les cartes pour réussir... Unissons les talents et les ressources

* Méthodologie pour l'écosystème européen de l'IA:

1. startups: à la fois producteurs et utilisateurs d'intelligence artificielle

2. Laboratoires (laboratoires universitaires, institutions publiques, laboratoires d'entreprise, partenariats public-privé)

3. Communautés (groupes, événements, associations, autres réseaux)