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Le numérique, vecteur de la transformation de l’industrie de défense européenne

Le numérique, vecteur de la transformation de l’industrie de défense européenne

16 novembre 2023

Les opportunités offertes par les systèmes de défense définis par logiciel

Dans le cadre de sa série explorant l'impact de la transformation du secteur de la défense, Roland Berger se focalise sur les systèmes de défense définis par logiciel. Cet épisode souligne l'impératif pour les acteurs en place de saisir les opportunités de ce paysage dynamique. Il met également en lumière le rôle croissant des acteurs numériques dans la transformation de l'écosystème. En effet, ces derniers ont compris l'importance de mettre en place un nouveau modèle opérationnel pour rester compétitif dans une industrie en pleine mutation.

L'espace de bataille numérisé comme générateur de nouveaux cas d’utilisation des logiciels

L'apport des technologies numériques aux opérations militaires est indispensable. Les solutions numériques permettent notamment de connecter les forces engagées au sein d'un réseau de combat, en établissant une communication instantanée, une coordination efficace et un partage rapide des informations provenant de différents capteurs, améliorant la réactivité et la synchronisation des opérations à l'échelle tactique et stratégique. En outre, les technologies telles que l'intelligence artificielle offrent des avantages considérables et sont devenus indispensables en matière d'analyse et d'exploitation en temps réel de la masse de données collectées, notamment dans un contexte de haute intensité en environnement fortement contesté.

La numérisation de l'espace de bataille permet une meilleure compréhension de la situation tactique, une prise de décision plus rapide et une coordination optimisée entre les différentes unités et moyens engagés. Il est important de noter que l'apport du numérique est valable aussi bien à l'avant qu'à l'arrière des opérations avec une infinité de cas d’utilisation rendus possibles par l'accroissement du volume des données générées au cours du cycle de vie des équipements militaires (par exemple la maintenance prédictive des équipements, la reconnaissance automatique des menaces, la réduction de la boucle capteur-tireur).

"L'apport du numérique au combat est un atout essentiel que nous sommes encore loin d'exploiter pleinement. Le nombre de cas d'usage potentiels permis par l’exploitation des données générées par les équipements et systèmes informatisés est infini."
Portrait of Manfred Hader
Associé sénior
Hamburg Office, Central Europe

La valeur croissante du logiciel dans les équipements militaires

Les avancées technologiques ont permis d'intégrer de plus en plus de logiciels sophistiqués aux plateformes de combat, améliorant ainsi leurs capacités opérationnelles. Les programmes de systèmes de combat aérien du futur(par exemple SCAF, GCAP, NGAD) 1 permettront notamment de réduire la charge cognitive des pilotes en capitalisant sur une intelligence artificielle, et ainsi de mener plusieurs actions en parallèle comme le vol en territoire ennemi à basse altitude, la coordination d’effecteurs déportés (remote carriers) et la transmission d’informations récoltées par des capteurs embarqués sur des vecteurs évoluant dans différents domaines à des troupes au sol. En réponse à la perpétuelle évolution des menaces, les forces armées utilisant ces équipements exigeront (et exigent déjà) qu’ils bénéficient d’une mise à jour logicielle régulière – similaire à un smartphone – leur permettant d’être toujours adaptées aux menaces du moment. Ces besoins se traduisent par l’utilisation croissance d’équipements définis par logiciel (software-defined), qui sont conçus dès le départ pour bénéficier de mises à jour logicielles régulières, améliorant ainsi leurs capacités par l’intégration de nouvelles fonctionnalités au cours de leur cycle de vie.

1 Le SCAF (Système de Combat Aérien du Futur), le GCAP (Global Combat Air Programme) et le NGAD (Next Generation Air Dominance) sont des exemples de programmes de défense qui ont pour vocation de développer les futures systèmes de combat des forces aériennes. Compte tenu de leurs ambitions, de leurs budgets et de leurs impacts, ces programmes permettront le développement de technologies de pointe (matériaux, propulsion, armes à énergie dirigée), notamment numériques (Architecture du Command and Control, combat cloud, utilisation de l'intelligence artificielle comme copilote, capacité à contrôler des drones en essaim pour saturer les défenses ennemies, par exemple).

"Les organisations historiques du secteur de la défense travaillent selon des processus qui sont incompatibles avec le rythme des évolutions technologiques offertes par le numérique."
Portrait of Oswald Perrin
Associé
Paris Office, Western Europe

Les solutions développées par les acteurs du"New Defence" en réponse au manque d'agilité des acteurs historiques de la Base Industrielle et Technologique de Défense (BITD) européenne

Les principaux acteurs de la BITD en Europe sont souvent des organisations ayant un héritage centenaire d'anciens arsenaux nationaux, historiquement axés sur le métal (par exemple, les canons, les chars de combat) ou les explosifs. Pendant la guerre froide, la culture de ces organisations a évolué vers l'ultra-sophistication des équipements, visant la domination technologique de l'espace de combat. Avec le besoin croissant de moyens numériques pour mener à bien les opérations militaires,une nouvelle transition culturelle est en cours au sein de ces organisations.

Elles souffrent cependant de processus internes peu adaptés aux évolutions rapides des besoins. Manquant d’agilité et de réactivité, les organisations traditionnelles ne disposent pas de réelles incitations à investir en fonds propres dans des programmes axés sur des technologies numériques éloignés de leurs activités historiques.

En conséquence, de nouveaux acteurs dotés d'une culture numérique et de l’expertise sectorielle nécessaire se sont fait une place dans cet écosystème. Ils se positionnent sur des segments délaissés par les industriels historiques pour des raisons d'inertie organisationnelle ou de manque d'expertise et prennent progressivement du poids dans une industrie en quête d'agilité. À l'instar des acteurs de la "Fintech" dans le secteur bancaire ou du "New Space" dans le secteur spatial, ces acteurs du "New Defence" (ou de la "DefTech") construisent leur proposition de valeur avec des solutions logicielles développées dans des cycles courts et à moindre coût, en capitalisant sur des solutions réplicables organisées autour d'architectures logicielles communes. Par ailleurs, ces nouveaux acteurs bénéficient plus aisément de capitaux privés notamment en raison des innovations technologiques qu’ils portent, telles que l'intelligence artificielle et l'informatique quantique, dont le potentiel de croissance est perçu comme élevé par les investisseurs.

Conclusion

Afin d'exploiter pleinement le potentiel des technologies numériques dans les systèmes de défense, Roland Berger recommande la mise en place d'un nouveau modèle d'engagement entre les parties prenantes. Ce modèle, inspiré des méthodologies agiles, préconise une construction logicielle ouverte et collaborative entre les armées, les industriels et les agences gouvernementales spécialisées - comme la DGA (Direction Générale de l'Armement) en France. A suivre.

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Étude

Le numérique, vecteur de la transformation de l’industrie de défense européenne

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Dans cet article, Roland Berger s’intéresse à la transformation de l’industrie de défense française et notamment aux systèmes de défense définis par logiciel.

Published novembre 2023. Available in
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